à Paul Fort (17 décembre 1910)

Carte pneumatique autographe signée adressée à Paul Fort (1872-1960), demeurant au 6, rue Sophie Germain, et datée « Samedi » 17 décembre 1910 (d’après le cachet de la poste). 1 page (11,1 x 14,2 cm).

Quelques jours avant la présentation de la nouvelle version de son drame au comité de lecture de la Comédie-Française, Saint-Pol-Roux s’était installé au n° 130 de la rue de Rennes où il demeurera jusque dans les premiers mois de l’année suivante. Comme on le sait, Jules Claretie et les sociétaires de la Maison de Molière ne retinrent pas La Dame à la faulx, mais le poète ne s’en formalisa pas trop puisque Jacques Rouché lui avait presque immédiatement proposé de l’accueillir au Théâtre des Arts. Deux semaines plus tard, Guillaume Apollinaire, Eugène Figuière, Paul Fort et Alexandre Mercereau prirent l’initiative de lancer une pétition, sous forme d’une lettre-circulaire, afin d’obtenir la légion d’honneur à Saint-Pol-Roux. Dans son édition du 14 décembre, Le Figaro donnait la liste de quelques-uns des premiers signataires : Maurice Donnay, Marcel Prévost, Jules Lemaître, Paul Margueritte, J.-H. Rosny, Henry Bataille, Émile Verhaeren, comtesse Mathieu de Noailles, Henri de Régnier, Laurent Tailhade, « tous les jeunes littérateurs groupés par M. Figuière, les plus hardis, de Paul Fort à Alexandre Mercereau », et même Jules Claretie.

Saint-Pol-Roux exprima, trois jours plus tard, sa reconnaissance à son vieil ami Paul Fort dans la carte-pneumatique reproduite ci-dessous :

Samedi [17 décembre 1910]

Mon Grand Ami, tendre merci à toi et à nos bons camarades Figuière, Mercereau, Apollinaire, Diriks^[1], pour tant de pure fraternité ! Les promesses faites par le Ministre^[2] m’émeuvent profondément et j’y vois du moins l’approbation sensible de mon filial dévouement à la Beauté, que, d’ailleurs, nous chérissons tous également. Donc merci de toute âme ! Et si la promesse peut se réaliser pour janvier, eh bien tant mieux et gloire à vous tous !…

Je t’embrasse ainsi que Suzon^[3] et Jeanne^[4].

Saintpolroux

Mes hommages à ta Maman^[5]. Amitiés à Robert^[6].

^[1] Probablement le peintre norvégien Edvard Diriks (1855-1930) qui, avec son épouse, peintre et sculptrice, Anna, collabora à Vers et Prose, la revue dirigée par Paul Fort.

^[2] Il s’agit sans doute de Maurice-Louis Faure (1850-1919), nommé ministre de l’instruction publique et des beaux-arts le 3 novembre de cette année. Poète occitan et félibre, il ne pouvait qu’être favorable à la promotion de poètes dans l’ordre de la légion d’honneur. La fin de son mandat, le 2 mars 1911, explique-t-elle que la promesse ne fut pas tenue ?

^[3] Julia Suzon Theibert (1866-1956) que Paul Fort avait épousée le 16 mai 1891 à la mairie du VI^e arrondissement.

^[4] Jeanne Fort (1897-1992), la fille du poète et de Suzon. Elle épousera le peintre futuriste italien Gino Severini en août 1913.

^[5] La mère de Paul Fort, née Stéphanie Georgette Camus (1845-1929), était veuve depuis 1903.

^[6] Robert Fort (1890-1950) était le neveu du poète. Après la mort de son père, Georges, frère de Paul, en 1904, et de sa mère en 1906, il fut recueilli et élevé par son oncle.

Documents liés :

• Lettre de Paul Fort à Saint-Pol-Roux (9 avril 1907)
• Une pétition pour la légion d’honneur de Saint-Pol-Roux : lettre d’Edmond Pilon (8 décembre 1910)