d’Édouard de Max (31 mars 1910)

Télégramme autographe signé du comédien Édouard de Max (1869-1924) à Saint-Pol-Roux, daté du 31 mars 1910. 1 page (22 x 13,5 cm).

Il n’est sans doute pas abusif d’affirmer que, à l’instar de Sarah Bernhardt, sa partenaire dans de nombreuses pièces, Édouard de Max fut un monstre sacré du théâtre de la Belle Époque. Il contribua à la rénovation du jeu du comédien collaborant avec les metteurs en scène les plus novateurs comme André Antoine ou Lugné-Poe. Si son exubérance lui attira des inimitiés durables, la jeune génération symboliste l’admirait et tout dramaturge débutant rêvait alors de voir sa pièce interpréter par Sarah Bernhardt et Édouard de Max. André Gide lui dédia Saül espérant que ce témoignage d’admiration suffirait à décider l’acteur de l’imposer au programme du Théâtre Antoine. De Max, il est vrai, fut un comédien curieux de nouveautés et attentif aux tentatives avant-gardistes. C’est lui, notamment, qui découvrit Jean Cocteau – à peine âgé de 18 ans – et fit connaître son talent en donnant un récital de ses poèmes lors d’une matinée poétique organisée au Théâtre Fémina. Dix ans plus tôt, il s’était enthousiasmé pour “une grande, une très grande œuvre” : La Dame à la faulx de Saint-Pol-Roux. Le livre refermé, il s’était empressé d’écrire à l’auteur :

Je viens d’un long voyage et je trouve “La Dame à la fau[l]x” je la dévore et avant de la reprendre pour la troisième fois laissez-moi vous crier toute mon admiration et vous dire ma grande joie doublée de tristesse parce que je n’ai pas un théâtre et que je ne puis vite vite et très bien vous monter cette si belle œuvre ! (BnF – Arts du Spectacle Mn-977-103)

Saint-Pol-Roux souhaitait qu’il interprétât Magnus. Mais les tentatives pour faire représenter la tragédie à l’Odéon d’Antoine, à la Comédie-Française de Jules Claretie, au Théâtre d’Art de Jacques Rouché, échouèrent. Et De Max, relatant ses souvenirs à Louis Delluc, ne put que le regretter : “[La Dame à la faulx] avait eu le tort de provoquer mon enthousiasme, qu’elle ne devait pas lasser. Elle a surtout le tort d’être neuve, et l’on sait que la route est dure à tout ce qui ne ressemble pas aux choses connues.” (Louis Delluc, Chez De Max, Paris, L’Édition, 1918, p. 121-122).

Le télégramme du 31 mars 1910 que nous présentons ici date de l’époque où Saint-Pol-Roux avait encore l’espoir que sa pièce fût jouée à la Comédie-Française ; mais il réagit à un autre événement. La veille, Jean Moréas, l’auteur du manifeste du Symbolisme (Le Figaro, 18 septembre 1886) – qui fonda cinq ans plus tard l’école Romane – venait de mourir. L’influence de l’auteur du Pèlerin passionné et des Stances avait été grande et toute la République des Lettres porta le deuil, de Barrès à Apollinaire. Saint-Pol-Roux, qui le connut dans sa jeunesse et le retrouva quelquefois à la Closerie des Lilas, aux mardis de Vers et Prose, apprenant sa disparition avait aussitôt adressé un télégramme à Édouard de Max lui demandant de dire son poème “Pour dire aux funérailles des poètes”, qui avait paru dans le Mercure de France du 16 avril 1908, dédié justement au comédien. C’est la réponse de ce dernier que nous déposons dans notre exposition virtuelle :

Paris, le 31/3, à 16h. 59 m.

Désolé de ne pouvoir dire votre si beau poème je ne puis le faire je n’ai pas connu Moréas et aurais l’air de chercher de la réclame

Votre vieil admirateur

De Max